Lécrivain
camerounais Alexandre
Biyidi Awala, plus connu
sous le pseudonyme de
Mongo Beti, décédé
à lâge
de 69 ans peut être
considéré
comme lun des écrivains
africains les plus en
vue de la génération
de lindépendance.
Ses satires mordantes
de la période coloniale
se classent toujours parmi
les meilleurs romans africains
et figurent encore au
programme dans certaines
universités, aux
Etats-Unis notamment.
Il est également
devenu une icône,
en tant que brillant polémiste,
et na jamais abandonné
son radicalisme et sa
lutte contre le néo
colonialisme.
En
1954, il écrit
son premier roman, "Ville
cruelle", qui traite
de lexploitation
de la paysannerie, sous
le pseudonyme dEza
Boto. En 1956, sous le
pseudonyme de Mongo Beti
(qui signifie fils du
pays des Bétis
en langue Ewondo), il
publie "le pauvre
Christ De Bomba",
que beaucoup considèrent
comme son chef duvre.
Traduit plus tard en anglais
sous le titre "The
Poor Christ Of Bomba",
ce roman critique de façon
féroce et satirique
les folies et les brutalités
des officiers coloniaux,
et de lEglise catholique.
Ce roman, très
bien accueilli par la
critique fait de Mongo
Beti lun des auteurs
stars de "Présence
Africaine", la maison
dédition
basée à
Paris, fondée par
Alioune Diop.
Ses
autres livres, "Mission
Terminée"
(1957) qui remporte le
prix Sainte-Beuve et "Le
Roi Miraculé"
(1958) sont du même
niveau. Les trois livres
sont traduits en anglais,
russe et bien dautres
langues, ce qui donne
à Mongo Beti une
réputation internationale
durable............................................................
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Marié
à une collègue
française, Odile
Tobner, Mongo Beti fera
lessentiel de sa
carrière à
Rouen, au lycée
Corneille. Le Cameroun,
devenu théoriquement
indépendant en
1960, est, avant et après
cette date, le théâtre
dune guerre de répression
contre le mouvement indépendantiste
lUnion des Populations
du Cameroun (UPC). Parmi
ses dirigeants, son secrétaire
général
Ruben Um Nyobé,
qui avait dû prendre
le maquis, sera assassiné
en 1958 par les troupes
françaises, son
président Félix-Roland
Moumié, en exil,
assassiné à
Genève par un ancien
légionnaire agent
du S.D.E.C.E, Ernest Ouandié,
Vice-Président,
revenu dexil pour
rejoindre le maquis, arrêté
et exécuté
après un simulacre
de procès, Osende
Afana, un autre dirigeant
massacré dans un
autre guet-apens au Ghana.
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Pendant
une quinzaine dannées,
Mongo Beti ne publie rien.
En 1972, il publie chez
Maspero un pamphlet, "Main
basse sur le Cameroun",
où il dénonce
les crimes du néo-colonialisme
dans son pays, et particulièrement
les activités du
sinistre dictateur Amadou
Ahidjo. Le gouvernement
français de lépoque
interdit et fait saisir
ce livre. Procédure
en principe illégale
depuis que les lois de
la IIIè république
ont instauré la
liberté de penser
et dexpression.
Un texte de 1936 permet
toutefois de saisir et
dinterdire les livres
de "provenance étrangère".
Ce texte, à lépoque
du front populaire, visait
la propagande nazie. Une
jurisprudence complaisante
permettra au gouvernement
dinvoquer ce texte,
quand léditeur
ou lauteur est étranger.
Difficulté
pour le livre de Mongo
Beti : léditeur,
François Maspero,
est Français ;lauteur,
fonctionnaire français
lest également.
Quà cela
ne tienne, pour rendre
sa décision légale,
le ministre de lintérieur
trouvera la solution :
il ny a quà
enlever à Mongo
Beti sa nationalité
française ! Des
inspecteurs de la DST
lui sont envoyés
à domicile pour
le mettre en demeure de
restituer son passeport
! les auteurs de cette
opération essayent
de faire peur à
Mongo Beti et le conduire
à se réfugier
au Canada ou en Suisse
où des postes lui
étaient offerts.
Mongo
Beti refuse de céder.
LAFASPA et sa revue
"Aujourdhui
lAfrique" engagent
laction pour sa
défense :intervention
auprès du Président
de la République
et du Ministre de l'intérieur,
campagne de pétitions.
Si Giscard dEstaing
ne répond pas,
le chef de cabinet du
ministre Poniatowski répond
que lintéressé
"na pas fait
la preuve de sa possession,
pendant les dix années
antérieures de
létat de
Français"
! Après de nombreuses
remises de date, lorsque
le tribunal administratif
de Rouen, saisi de cette
affaire, siégea
enfin, le commissaire
du gouvernement, chargé
de requérir contre
Mongo Beti, abonda dans
le sens de son avocat,
reconnaissant que la qualité
de français ne
pouvait lui être
contestée. Le journal
"Le Monde",
qui était resté
silencieux pendant toute
laffaire, lui consacra
alors un article. L'interdiction
frappant "Main Basse
sur le Cameroun"
est finalement levée
en mai 1976, le livre
ayant donc été
interdit pendant près
de 5 ans dans le pays
des droits de l'homme!
Pendant
cette période,
Mongo Beti, avec Remember
Ruben (1974), qui rendait
hommage au leader assassiné
de lU.P.C, renoue
avec sa production romanesque
et continue son combat
politique. Avec son épouse,
il publie dix années
durant, la revue Peuples
noirs, peuples africains,
poursuivant son action
contre le néo-colonialisme.
Après sa retraite,
il était revenu
au Cameroun, après
plus de 30 années
consécutives dexil
forcé, où
il avait ouvert une librairie,
la librairie des Peuples
noirs, affirmant avoir
trouvé un "Cameroun
ubuesque où le
vice est devenu la norme,
le tortueux la règle,
larbitraire la vertu".
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Homme
de caractère, intransigeant,
parfois dogmatique, Mongo
Beti eut quelques conflits
avec certains de ses collègues
africains, ne trouvant
grâce ni à
ses yeux, ni à
sa plume. Ses critiques
népargneront
pas quelques uns dentre
eux, comme son compatriote
Ferdinand Oyono, auteur
du "Vieux nègre
et de la médaille":
un "opportuniste
sans idéologie
qui ne pensait quà
sa carrière, un
vantard boulou qui fait
dans de la tartarinade"
dit-il. Camara Laye, lui,
"écrit pour
les blancs", le burkinabé
Joseph Ki Zerbo, aux yeux
de Mongo Beti, est un
bon historien qui "pactise
avec le néocolonialisme",
le congolais Sony Labou
Tansi est un "élève
des coopérants
français".
LIvoirien Ahmadou
Kourouma a droit au plus
méchant des qualificatifs
: "Cest un
illettré".
Lécrivain
camerounais refuse ce
quil appelle "la
senghorisation des élites
africaines" et de
jouer au "nègre
de service". Comme
tous les écrivains,
selon lui, chouchoutés
par une technostructure
de la coopération
qui délivre prix,
honneurs et privilèges.
"je suis un disciple
de Voltaire, dit-il dans
un journal panafricain,
je sais que je suis dur,
mais quand on lutte contre
des salopards, car je
ne peux pas qualifier
autrement le néocolonialisme,
on ne peut pas être
laxiste".
A
sa mort, sa famille, selon
les vux de lécrivain,
a refusé tous les
honneurs posthumes émanant
de lestablishment
camerounais. Même
mort disait-il, je ne
voudrai pas être
petit. Ainsi parlait Mongo
Beti, le fils du pays
des Bétis.