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Kwame Nkrumah est considéré
comme le père du
panafricanisme. Il fut
l’un des tous premiers
à rêver d’une
Afrique unie, comme les
Etats-Unis, une Afrique
qui ne serait plus utilisée
comme un réservoir
de matières premières
pour l’Europe, mais
une Afrique qui serait
elle-même une puissance
économique.
Il est le père
de l’indépendance
du Ghana
qui fut le premier état
africain à conquérir
son indépendance,
en 1957.
J
Les
premières années

Kwame Nkrumah en 1929
Kwame
Nkrumah est né
le 21 Septembre 1909 à
Nkroful dans le sud-ouest
de ce qui s’appelait
alors la Côte d’Or
ou Gold Coast, une colonie
britannique. Fils unique,
son nom "Kwame"
vient du fait qu’il
est né un samedi.
Comme
étudiant, Nkrumah
a été séduit
par la vision du Dr Kwagyir
Aggrey, diplômé
aux Etats-Unis, qui était
convaincu que le salut
des noirs, comme aux USA,
pouvait venir de leur
auto-amélioration
par une meilleure éducation.
Nkrumah
a commencé sa carrière
comme enseignant dans
une école religieuse,
avant de devenir rapidement
principal. Il a tenté
de créer un environnement
de haut niveau pour ses
élèves,
en créant des clubs
littéraires, des
sociétés
académiques, ou
en invitant des personnalités
à venir discuter
avec les élèves.
Pendant
ce temps, la grogne contre
la puissance coloniale
britannique, menée
par J. B. Danquah et les
planteurs de cacao montait,
dans un pays qui commençait
à rêver d’indépendance.
Convaincu
d’être appelé
à jouer un rôle
historique dans l’indépendance
de son pays, Nkrumah estimait
que son éducation
n’était pas
encore au niveau qui devait
être celui d’un
futur leader, et a pris
la décision de
continuer ses études
aux Etats-Unis.
Les
études américaines

Kwame Nkrumah, alors étudiant
aux Etats-Unis
Nkrumah
arrive aux Etats-Unis
en 1935, bien décidé
à compléter
son bagage académique.
Son arrivée là-bas
est un choc lié
à l’extrême
pauvreté qui le
caractérisera.
Il lui arrivera de dormir
dans les rues, et pour
financer ses études,
il sera contraint d’accepter
des petits boulots bien
éloignés
de ses capacités
: vendeur de poisson,
ouvrier agricole, ou encore
employé d’usine.
Il
a pu développer
ses talents d’orateur,
qui s’avéreront
très utiles par
la suite, en participant
à des meetings
religieux. Nkrumah a également
étendu son répertoire
politique en assistant
à des meetings
politiques socialistes
et communistes.
Son
séjour aux Etats-Unis
lui a permis d’étudier
en détail la politique
américaine, son
histoire et toutes ses
subtilités, et
de voir dans quelle mesure
le Ghana, voire l’Afrique
entière pourraient
en bénéficier.
C’est naturellement
à cette occasion
qu’il a pris conscience
de la force que l’unité
d’un état
a conférée
aux Etats-Unis, et a commencé
à rêver de
la puissance qu’un
tel schéma produirait
en Afrique.
Nkrumah
a fait ses débuts
d’auteur aux Etats-Unis,
publiant en 1943 Education
and Nationalism in Africa,
puis Towards colonial
freedom une vive dénonciation
de la colonisation, dépeinte
comme un moyen de priver
les indigènes du
droit que Dieu leur avait
offert de connaître
la prospérité.
Il
quitte les Etats-Unis
en 1945 solidement diplômé.
Bachelor of Science degrees
en Economie et Sociologie,
Bachelor of Theology degree
et Master of Philosophy
degree. Il avait également
quasiment terminé
son doctorat en philosophie.
Sa
prochaine destination
: l’Angleterre,
le pays qui maintenait
la Gold Coast sous sa
domination.
L’Angleterre

Kwame
Nkrumah (à
gauche) à
Londres
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Kwame
Nkrumah arrive à
Londres en 1945, et établit
très rapidement
des contacts avec la diaspora
de son pays présente
à Londres.
Il devient rapidement
membre d’un groupe
se réunissant tous
les Jeudi et Samedi après-midi
chez le Dr Hastings Kamuzu
Banda. Ce groupe était
composé d’éminents
politiciens, dont une
grande partie joua par
la suite un grand rôle
en apportant l’indépendance
à leur pays : Kenneth
Kaunda (Zambie), Jomo
Kenyatta (Kénya),
Joshua Nkomo (Zimbabwé),
Julius Nyerere (Tanzanie),
Kojo Botsio, Harry Nkumbula
(Zambie), et bien d’autres.
Nkrumah
continue son apprentissage
politique en suivant des
cours de politique et
de socialisme à
la London School of Economics
and Political Science.
Sa
plus importante activité
fut de participer au West
African Secretariat, et
il devint très
rapidement un des hommes-clé
du Mouvement Pan Africain,
et fut en particulier
le Secrétaire-Général
du 5è Congrés
pan-africain qui se tint
à Manchester en
1945.
Pendant
la préparation
de ce congrès,
il rencontra le socialiste
Indien George Padmore,
et une grande amitié
personnelle, ainsi qu’une
connivence idéologique
naîtra entre les
deux hommes. Ils ont rédigé
ensemble la déclaration
de clôture du Congrès
qui demandait, de façon
très vigoureuse,
une libération
de l’Afrique pour
une auto-administration.
Leur collaboration a continué
bien après ce congrès,
ils ont ensemble inondé
Londres et tous les centres
de décision anglais
de moult pamphlets et
protestations, tant et
si bien que le nom "Nkrumah"
devint rapidement synonyme
de la lutte pour l’indépendance
de la Gold Coast.
Le
14 Novembre 1947, Kwame
Nkrumah met un terme à
son séjour anglais,
et prend le bateau pour
retourner dans son pays,
fermement décidé
à mettre un terme
à la domination
anglaise.
Le
retour au pays, la lutte
continue

Kwame Nkrumah
sa libération de
prison en 1951
Après
12 ans d’absence,
Kwame Nkrumah retrouve
son pays le 10 Décembre
1947. Il retrouve un pays
encore sous forte domination
britannique, mais un pays
résistant de plus
en plus à la puissance
coloniale.
Une
forte répression
était en cours,
les britanniques voulant
tuer dans l’œuf
toute velléité
d’indépendance
: les grèves furent
interdites, certains responsables
politiques furent exhilés
de force, et les responsables
britanniques suspectés
de sympathie avec les
indépendantistes
perdirent leur poste.
Nkrumah
devint rapidement le Secrétaire
Général
du principal parti United
Gold Coast Convention
(UGCC) dirigé par
J.B. Danquah, et commencera
rapidement un tour du
pays qui lui permettra
de révéler
ses talents d’orateur,
et de montrer sa puissante
rhétorique, tout
en lui permettant de prendre
le pouls du pays, et de
sentir que ce dernier
commence à rêver
de plus en plus d’indépendance
et d’auto-détermination.
Il
met sur pied une campagne
pacifiste, destinée
à mettre en difficultés
l’administration
britannique. Au programme,
boycott des produits européens,
grèves de plus
en plus fréquentes,
ralentissement de l’économie.
Le
28 Février 1948

Kwame Nkrumah
et son premier cabinet
Le
28 Février 1948
marquera un tournant de
l’histoire d’un
pays où rien ne
sera plus comme avant.
D’anciens militaires
manifestaient pacifiquement,
et surtout sans leurs
armes, quand l’armée
anglaise ouvrit le feu.
63 d’entre eux furent
tués ou gravement
blessés. 5 jours
d’émeutes
conduisirent l’administration
britannique à décréter
l’état d’urgence
et à emprisonner
tout l’état-major
de l’UGCC, dont
Kwame Nkrumah.
Le
calme ne revint pas totalement,
et sous la pression, l’Angleterre
dut mettre sur pied un
plan qui devait ultimement
conduire le pays à
l’indépendance.
Dans le même temps,
selon certaines sources,
convaincu que l’UGCC
ne comprenait pas totalement
sa vision, Nkrumah démissionna
de ce parti pour fonder
le CPP ou Convention Peoples
Party. D’après
d’autres sources,
il en fut exclu pour avoir
mené une campagne
de désobéissance
civile. Quand des municipales
furent organisées
en 1950, bien qu’emprisonné
cette année là,
Nkrumah connut un grand
succès puisque
son parti gagna avec 22.780
voix sur 23.122 votants.
Libéré
en 1951, Nkrumah continua
la lutte pour l’indépendance,
et progressivement l’Angleterre
lâcha prise. Le
05 Mars 1952, Kwame Nkrumah
est nommé Premier
Ministre. Le 18 Novembre
1956 une date est trouvée
pour l’indépendance,
et celle-ci sera le 06
Mars 1957.
L’indépendance

Kwame Nkrumah
en tenue traditionnelle,
le 6 Mars 1957, jour de
l'indépendance
de l'ex-Gold Coast, devenue
Ghana
Après
plusieurs années
de lutte, Kwame Nkrumah
peut savourer son triomphe,
ce 06 Mars 1957, c’est
devant une foule enthousiaste
qu’il déclare
l’indépendance
de son pays. Le nom du
pays sera changé,
de Gold Coast il deviendra
Ghana,
du nom d’un des
plus anciens empires ouest-africains.
Nkrumah
prononcera un discours
qui fera date, et qui
montre qu’au moment
où son pays accède
à l’indépendance,
toutes ses pensées
vont déjà
vers les autres pays africains
qui eux n’ont pas
encore été
libérés
car, d’après
lui, l’indépendance
du Ghana
n’a aucun sens,
tant que les autres pays
n’auront pas été
eux aussi libérés
du joug colonial.
Nkwame
Nkrumah : Nous re-dédions
maintenant notre action
à la lutte pour
émanciper les autres
pays car l’indépendance
du Ghana
n’a aucun sens,
tant qu’elle n’est
pas liée à
une libération
totale du continent africain.
Nkrumah
sera d’ailleurs
l’un des pères-fondateurs
de L’OUA ou Organisation
de l’Unité
Africaine, qui voit le
jour en 1963. Mais l’aide
qu’il propose aux
autres pays ne sera pas
acceptée, les différents
leaders préférant
ici et là jouer
leur carte personnelle.
L’enthousiasme

Kwame Nkrumah
présentant l'un
de ses plus ambitieux
projets, le barrage hydro-électrique
Après
l’indépendance,
Nkrumah met sur pied une
politique volontariste
et ambitieuse, destinée
à permettre au
Ghana
d’évoluer,
et de s’affranchir
de ses limitations antérieures.
En particulier, il voulait
développer l’agriculture
afin qu’elle ne
dépende plus du
seul cacao, ce qui, en
cas de chute des prix,
aurait mis le pays dans
une situation délicate.
Il voulait également
réduire la dépendance
du pays par rapport aux
manufacturiers étranger,
et sortir le Ghana
de son rôle de fournisseur
de matières premières.
Tout
ceci s’est traduit
par la construction de
nombreuses routes, d’hôpitaux,
d’université,
et d’une foule de
projets industriels, dont
un très ambitieux
barrage hydro-électrique
sur la Volta.
A
l’indépendance,
les prix du cacao étaient
à de très
haut niveau, ce qui
a permis à cette
politique d’être
mise en application,
et à Nkrumah
d’être un
leader respecté
et adoré par
ses administrés.
Si l’histoire
s’était
arrêtée
là, l’étoile
de Nkrumah serait restée
très haute dans
le firmament des leaders
africains…
La
chute : économique

Kwame
Nkrumah examinant
un plan de cacao
lors d'une inspection
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Entre
1960 et 1965, les prix
du cacao sur les marchés
internationaux ont connu
une chute très
brutale, entraînant
avec eux les réserves
ghanéennes puisque,
malgré la volonté
de Nkrumah, le pays était
encore extrêmement
dépendant du cacao.
Les prix ont connu une
inflation brutale, près
de 250% entre 1957 et
1965, dont 66% pour la
seule année 1965.
La croissance qui a oscillé
entre 9 et 12% jusqu’en
1960 a baissé jusqu’à
2-3% en 1965. Pour couronner
le tout, le chômage
a connu une progression
exponentielle. La solution
que Nkrumah adopta fut
d’augmenter considérablement
les impôts divers,
achevant de mécontenter
définitivement
les plus pauvres franges
de la société
ghanéenne.
La
chute : politique

Kwame Nkrumah
Nkrumah
était convaincu
de la justesse de sa
pensée, et ne
voulait souffrir aucun
obstacle sur le chemin
devant mener le Ghana
et l’Afrique en
général
vers la prospérité.
En conséquence,
il a violemment écarté
tout obstacle, réel
ou perçu, vers
cette destinée.
Il
a commencé par
retirer une bonne partie
de leurs pouvoirs aux
chefs traditionnels
qui faisaient autorité
depuis plusieurs centaines
d’années
dans ce pays des Akan.
Il devint rapidement
obsédé
par sa sécurité,
notamment après
deux tentatives manquées
d’assassinat sur
sa personne. En 1964,
il se décréta
Président à
vie, instaura le mono-partisme
et dissout toutes les
formations politiques.
Il emprisonna un grand
nombre d’opposants,
dont J.B. Danquah avec
qui il avait fait équipe
dans l’UGCC.
Pour
se justifier : "même
un système basé
sur une constitution démocratique
peut être contraint,
dans la période
suivant l’indépendance,
à des mesures de
type totalitaire ".

La
joie de la foule
à l'annonce
de la destitution
de Kwame Nkrumah |
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Coupé
du peuple, Nkrumah devint
de plus en plus impopulaire
au sein de ces masses
laborieuses qui l’avaient
porté au pouvoir.
Ce qui devait arriver
arriva. Le 24 Février
1966, alors que Kwame
Nkrumah se trouvait
en voyage officiel au
Vietnam, à l’invitation
d’Ho Chi Min,
un coup d’état
éclata, mené
par le colonel Emmanual
Kwasi Kotoka. Le parlement
fut dissous, le parti
de Nkrumah, le CPP fut
interdit, et Nkrumah
lui-même fut banni.
Le reste de la vie de
Nkrumah fut donc passé
en exil, et c’est
à Bucarest en
Roumanie qu’il
mourut, le 27 Avril
1972.
Son
aura fut finalement
ternie par les dernières
années de son
règne, mais pour
beaucoup, Kwame Nkrumah
restera un visionnaire,
l’un des tous
premiers à avoir
vu la force que pouvait
représenter une
Afrique unie, qui aurait
pu enfin devenir une
puissance économique
auto-dirigée,
et non plus une simple
pourvoyeuse de matières
premières pour
le riche occident.
Pour
conclure, ces propos de
Nkrumah lui-même
en 1961 :
"Divisés
nous sommes faibles.
Unie, l’Afrique
pourrait devenir, et
pour de bon, une des
plus grandes forces
de ce monde. Je suis
profondément
et sincèrement
persuadé qu’avec
notre sagesse ancestrale
et notre dignité,
notre respect inné
pour la vie humaine,
l’intense humanité
qui est notre héritage,
la race Africaine, unie
sous un gouvernement
fédéral,
émergera non
pas comme un énième
bloc prompt à
étaler sa richesse
et sa force, mais comme
une Grande Force dont
la Grandeur est indestructible
parce qu’elle
est bâtie non
pas sur la terreur,
l’envie et la
suspicion, ni gagnée
aux dépends des
autres, mais basée
sur l’espoir,
la confiance, l’amitié,
et dirigée pour
le bien de toute l’Humanité".

Monument
érigé
à la gloire
de Kwame Nkrumah |
 |
Par
Hervé Mbouguen

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