"S'il n'existe que des hommes simples comme Sylvain, le monde
serait un torrent de bonheur.
Il n'y aurait jamais la
guerre, la domination, l'oppression,
l'assasinat, etc. Mais il
n'aurait que partage, sollicitude,
assistance, secours... Il
y aura la Paix"
Albert GNACADJA |

Comment
avez-vous rencontré Sylvain ?
C'était
en 1986. Nous nous sommes retrouvés
dans le même établissement, le
Collège Protestant et nous devions
être en classe de Troisième. Nous
étions ensembles aussi dans le
même quartier. Nous avions un
goût en commun : la passion du
football.
Comment
était-il à l'époque ?
C'était
un élève très sérieux et appliqué.
Il était quelqu'un de simple,
sans fioriture, vif, spontané
qui ne penses que rire et faire
rire le monde autour de lui. Il
est très intelligent et aime trop
se moquer de ceux qui posaient
trop de question en cours. Il
n'était pas du tout déconneur
et était d'un naturel sympathique.
C'était un garçon ordinaire aussi
bien dans sa scolarité que dans
son comportement. Rien ne le distinguait
particulièrement des autres garçons
de notre âge. Il rêvait d' être
Docteur en Physique Nucléaire.
Son seul défaut était de très
vite s'emporter dans les cas d'injustices.
Il s'habillait comme un vrai branché,
normal car fils d'une grande commerçante.
Avez-vous
un souvenir particulier de Sylvain
?
Nous
étions en classe de première.
J'étais amoureux follement d'une
fille qui s'asseyait juste devant
Sylvain en classe. Elle était
très belle et trop souriante.
Elle s'amusait avec tout le monde
sans Sylvain qui jouait au solitaire
avec elle car il estime qu'elle
est venimeuse. Venimeuse car elle
était d'une région du pays où
les femmes sont venimeuses. J'ai
scruté la fille toute l'année
jusqu'au mois de mai. Un jeudi
soir où nous étions au cours de
sport j'ai déclaré ma flamme pour
la fille qui m'a dit directement
c'est Sylvain que j'aime. Elle
était si sure d'elle qu'elle m'entraîne
vers Sylvain et lui a posé la
question : c'est toi que j'aime
et tu veux bien sortir avec moi
non? C'est la première fois que
je l'ai vu si en colère. Il a
réagi violemment car il ne voulait
pas porter atteinte à notre amitié.
Quelles
impressions gardez-vous de ces
années avec Sylvain ?
C'est
d'abord l'image d'un ami très
sympathique qui sait entretenir
les relations. Même installé en
France, il me téléphone au moins
une fois par semaine et m'envoie
chaque matin une bonne blague
dans mon boite électronique. J'ai
gravé dans ma mémoire ses rires
intermittents et son bavardage
sur des sujets politiques compromettants
en plein régime dictato-marxiste.
C'était un réactionnaire. Il déborde
de gentillesse et de serviabilité
qui lui étaient ordinaires.

Une
anecdote mémorable ?
Je
crois qu'il en a des milliers.
Mais une qui puisse être dite
et redite est celui de la clé.
Avec les troubles politiques de
1989, on s'était retrouvé au Collège
Protestant de Lomé. Nous avons
le probatoire à passer. Un soir
de samedi alors qu'il allé me
voir, nous avons décidé d'aller
chez lui écouter un peu de musique.
Nous avons fait les trois kilomètres
qui séparent nos appartements
à travers un petit sentier. Arrivé
devant sa porte il ne retrouve
pas sa clé. Eh! je l'ai laissé
chez toi. Nous avons refait le
chemin inverse avant de s'apercevoir
qu'il n'était même pas rentré
chez moi avant que nous repartons
chez lui. Il fouille alors dans
ses poches mais rien. Il avait
un vieux pardessus. Il me le passe
je fouille et refouille. Je le
lui passe, il fouille et refouille.
Ceci dura près d'une heure. Avant
qu'il étouffa de rire. Regarde
j'ai un trou dans la poche de
mon pardessus.
Quelle
était votre relation avec Sylvain
?
C'était
plutôt de la fraternité que de
l'amitié. Il m'appellait toujours
mon grand. Il me suivait comme
un bon disciple. Il était plus
présent lors de mes crises de
paludisme qui étaient trop fréquentes.
Il est là à me dire de doux mots
comme une bonne copine. Il me
racontait des histoires à dormir
debout pour me faire oublier ma
fièvre. Il aimait citer sa fameuse
citation de Shuntergor pour m'obliger
à manger : "Moins de bouches,
plus de bouchées".
Et
maintenant avez-vous gardé contact
avec Sylvain ?
Oui,
bien sûr. C'est mon mail matinal
de blague ou ces images insolites
qu'il m'envoie très souvent. Je
ne sais d'où il les tire. C'est
le coup de fil du week-end. C'est
ces cartes postales de telle ou
telle ville que j'ai encore visitée.
C'est la partie de football ou
de beloteà ses descente à Cotonou.
C'est la balade dans les bas-fonds
de Cotonou en souvenir de ces
journées de pêche bredouille.
 
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